Santa Fe, Nouveau Mexique, 31 octobre 2012.
21 heures 30. On sonne à notre porte. Ce ne sont pas des enfants déguisés pour Halloween, mais un policier qui vient nous annoncer l’inconcevable.
Outre l’absurdité de l’absence de Matthias, maintenant et pour toujours, les premières pensées qui m’envahissent sont à propos de tout ce que les filles et moi ne pourrons plus faire, ou seulement avec difficulté et tristesse. Fêter les prochains réveillons de Noël et de Nouvel An, et tous ceux qui suivront. Trouver des belles idées de cadeaux et de fêtes pour les anniversaires des filles. Inviter des amis. Randonner sans se perdre. Observer les oiseaux – la passion de Matthias plus que la nôtre. Skier à Santa Fe ou dans les Alpes. Partir en week-end ou rendre visite à nos amis en Californie et à Vancouver. Retourner en Suisse, y retrouver les écoles et mon lieu de travail. Fêter des réussites scolaires et des diplômes. Nous n’y arriverons jamais.
Quelques semaines plus tard, une voisine m’invite à prendre un café. Je ne la connais pas. Elle a une soixantaine d’années, aimable et réservée. Son mari est mort il y a dix ans, et elle vient de rencontrer quelqu’un pour la première fois. Dix ans ! La perspective de naviguer seule dans la vie pendant les dix prochaines années me terrifie. Partager la responsabilité et la joie d’élever les filles, prendre de petites et grandes décisions, envisager la retraite… seule ? Je n’y arriverai jamais.
Mais l’aube du 1er novembre se lève, et nous nous levons pour avancer à petits pas. Pour Noël, ce premier jalon tant redouté, nous mélangeons anciennes et nouvelles traditions familiales. Fin mars 2013, Hannah et Marie organisent courageusement des fêtes d’anniversaire, chouettes mais différentes. Nous randonnons souvent et ne nous perdons pas. Lorsque nous observons les oiseaux, Marie porte les jumelles de Matthias. Les filles découvrent que skier seules leur fait plaisir. Alors qu’en décembre 2012 j’étais épuisée même après une heure de route, en juin 2013 nous voyageons pendant deux semaines le long de la côte Pacifique.
Pendant cette première année, nous avons survécu à chaque «première» sans Matthias. Un jour après l’autre, nous avons atteint le 31 octobre 2013. Et étape par étape, nous sommes arrivées à aujourd’hui. Les filles et moi allons bien. Hannah vit son rêve de devenir cinéaste, Marie s’épanouit en deuxième année de médecine. Matthias nous manque toujours, mais nous y sommes arrivées. Cela semblait impossible, mais ça ne l’a pas été.
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